L’hémophilie et sa prise en charge thérapeutique
Qu’est-ce que l’hémophilie ?
L’hémophilie congénitale est une maladie constitutionnelle de l’hémostase, secondaire à un déficit en facteur VIII ou IX de la coagulation. On parle d’hémophilie A en cas de déficit en facteur VIII, et d’hémophilie B en cas de déficit en facteur IX.

Figure 1: Cascade de la coagulation: schéma d’activation des facteurs et modèle physiologique à la surface des plaquettes (Hoffman, 2001)
Il existe 3 types de déficit :
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Les déficits sévères, liés à des taux de facteur VIII ou IX <1%, responsables d’une symptomatologie hémorragique sévère, faite d’hémarthroses et d’hématomes musculaires, parfois de survenue spontanée, sans notion de traumatisme. Tout autre type d’hémorragie est possible : ecchymoses marquées, hémorragie cérébrale, hémopéritoine, hématurie, etc … Ces formes sévères sont souvent diagnostiquées dans les premiers mois de vie et autour de l’âge de la marche.
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Les déficits modérés, liés à des taux de facteurs VIII ou IX allant de 1 à 5 %, responsable d’une symptomatologie hémorragique le plus souvent post-traumatique, mais survenant suite à des traumatismes parfois peu importants.
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Les déficits mineurs, liés à des taux de facteurs VIII ou IX allant de 6 à 40%, responsables d’une symptomatologie hémorragique post-traumatique ou post-chirurgicale.
- Il s’agit d’une pathologie génétique, récessive liée à l’X : les garçons sont atteints, et les filles sont conductrices, mais peuvent parfois avoir des taux de facteur VIII ou IX abaissés, leur conférant dans ce cas un risque hémorragique également.
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Le traitement substitutif
La prise en charge thérapeutique consiste en un traitement substitutif. Il s’agit de médicaments apportant donc du facteur VIII ou du facteur IX, selon le déficit. Ces traitements sont actuellement administrables uniquement par voie intraveineuse.
Les modalités thérapeutiques sont au début de la prise en charge « à la demande », c’est-à-dire que les patients ne reçoivent ce traitement substitutif qu’en cas d’accident hémorragique ou en cas de chirurgie.
Dans les formes sévères, et pour certaines formes modérées ou mineures dont le phénotype hémorragique est marqué, un traitement prophylactique est mis en route. Il consiste à perfuser le traitement une, deux voire trois fois par semaine, en prévention des récidives d’hémarthroses ou de tout autre épisode hémorragique sévère spontané.
Lorsqu’il existe des difficultés de voie d’abord veineuse, essentiellement chez le jeune enfant, le recours à la pose d’un cathéter central peut être envisagé.
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L’inhibiteur
Une des principales complications secondaire au traitement substitutif est l’apparition d’un inhibiteur : il s’agit d’un allo-anticorps dirigé spécifiquement contre le facteur VIII ou le facteur IX perfusé, reconnu par l’immunité innée du patient comme un antigène étranger. Ceci bloque alors l’efficacité hémostatique du facteur perfusé.
Cette complication survient chez environ un tiers des patients hémophiles A sévères, chez environ 10% des hémophiles A modérés ou mineurs, et 5 % des hémophiles B sévères.
Dans ce cas, le traitement des épisodes hémorragiques nécessite de recourir à la perfusion d’agents by-passants tels le facteur VII activé recombinant ou un concentré de facteurs du complexe prothrombique activé.
Par ailleurs, pour tenter d’éradiquer l’inhibiteur, une induction de tolérance immune est mise en route, traitement qui consiste à apporter le facteur anti-hémophilique à forte posologie, de manière pluri-hebdomadaire voire quotidienne et durant plusieurs mois voire années. La voie d’abord veineuse devient alors essentielle, et le recours au cathéter central est alors nécessaire.
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Les nouveaux traitements
De nombreuses avancées thérapeutiques se développent dans le domaine de l’hémophilie, permettant d’améliorer la qualité de vie des patients par la réduction du nombre de perfusions ou la modification de la voie d’administration des traitements.
Dans l’hémophilie B par exemple, les médicaments à durée de vie prolongée permettent actuellement de passer d’une prophylaxie intraveineuse pluri-hebdomadaire à une prophylaxie uni-hebdomadaire voire tous les 14 ou 21 jours.
De nouvelles approches thérapeutiques par voie sous-cutanée sont disponibles ou en cours de développement :
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L’emicizumab, anticorps monoclonal recombinant, mime l’action du facteur VIII, et confère aux patients hémophiles A sévères, avec ou sans inhibiteur, une prophylaxie satisfaisante. L’administration est sous-cutanée, hebdomadaire, tous les 14 jours ou mensuelle. Ce médicament est actuellement disponible avec une AMM dans ces indications.
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Sont en cours d’essai clinique des molécules telles qu’un ARN interférant de l’antithrombine, induisant un déficit acquis en antithrombine, ou des anticorps anti-TFPI (le TFPI – tissue factor pathway inhibitor- est l’inhibiteur naturel de la voie du facteur tissulaire). Ces molécules visent à rééquilibrer la balance hémostatique, en diminuant le risque hémorragique. Leur administration est également sous-cutanée.
Dr Annie HARROCHE
Centre de Ressources et de Compétences – Maladies Hémorragiques Constitutionnelles
Hôpital Necker Enfants Malades