L’utilisation des dispositifs d’accès vasculaire chez les patients Covid-19
Un groupe d’experts italiens du GAVeCeLT a mis en ligne un document sur l’utilisation des dispositifs d’accès vasculaire chez les patients COVID-19. Ce document est assorti de recommandations qui n’engagent que leurs auteurs dans la mesure où, pour la plupart, elles n’ont pas fait l’objet d’une validation internationale. Ce texte se subdivise en plusieurs chapitres traitant des accès veineux périphériques, des accès veineux centraux, des techniques d’insertion et de la protection de l’opérateur.
Il est l’occasion de décliner une revue des standards du GAVeCelt qui ne sont pas forcément exportables du jour au lendemain dans tous les pays (y compris en Italie !) et objectivement il y a peu de raisons de modifier les procédures et de faire « plus » pour un patient COVID par rapport à n’importe quel autre patient, à part sur quelques points comme la protection de l’opérateur. Par exemple l’utilisation des ultrasons est un standard que le patient soit COVID ou pas.
Le premier chapitre est consacré aux cathéters courts et aux midlines. La compatibilité des ces dispositifs avec des casques de CPAP amarrés avec des sangles comprimant éventuellement les veines axillaires pose-t-elle réellement un problème ? Il n’y a rien dans la littérature à ce propos, de plus la CPAP et la VNI sont très majoritairement administrées avec des dispositifs type Optiflow ou avec un masque facial standard et une valve de Boussignac. De par leur facilité de pose, l’absence de risque de pneumothorax et l’émergence cutanée au niveau du bras et non sur le cou ou le thorax, les PICC ont des avantages chez ces patients en détresse respiratoire, voire ventilés en décubitus ventral dans les cas les plus critiques ; cependant la diffusion des PICC dans les services de soins intensifs français est encore très limitée. Plusieurs raisons à cela : les débits parfois insuffisants avec les 5-Fr, une certaine réticence à poser des PICC multilumières de gros diamètre, le risque thrombotique chez ces patients hypercoagulables, une certaine imprécision lors de la mesure du débit cardiaque. Curieusement la référence 12 serait en faveur de la fiabilité de la mesure du débit cardiaque à partir d’un PICC, or lorsqu’on la lit ce n’est pas le cas puisqu’elle démontre en fait une surestimation de cette mesure.La partie consacrée aux accès veineux centraux classiques et aux abords fémoraux n’insiste pas assez sur un point majeur : chez ces patients éventuellement candidats à une hémodialyse ou à une ECMO veino-veineuse il est important de laisser libre les sites jugulaire interne droit et fémoral droit, les abords sus ou sous-claviculaire gauches devant être absolument privilégiés.
En ce qui concerne le contrôle de la position de l’extrémité du catheter, l’affirmation « ces deux méthodes de localisation de l’extrémité distale du cathéter (ECG et ETT) ont été fortement recommandées par des études et directives récentes » est supportée par une référence (réf 15) qui est un simple abstract, non référencé dans Pubmed et introuvable ! Quelque soit la confiance et la conviction des auteurs (que je partage en ce qui concerne l’ECG, moins pour l’ETT), il n’est pas habituel d’édicter des recommandations sur une aussi faible base ! Par ailleurs la méthode ECG, même si elle est très performante, est encore trop peu répandue en France pour qu’on en fasse un standard dans nos unités de soins intensifs.
A la lecture de ce texte j’ai été gêné par des références répétées et appuyées à des produits de l’industrie : les midlines en polyuréthanne powercompatibles, les sondes d’échographie sans fil (il me semble qu’il n’y a qu’un fournisseur en France), les dispositifs de fixation par ancrage sous-cutané (un seul fabriquant). En ce qui concerne ce dernier dispositif le fabricant s’est d’ailleurs empressé de se réapproprier le texte n’hésitant pas à titrer « Italian Vascular Access Group Recommends Use of SecurAcath on COVID-19 Patients » ! Enfin une dernière critique sur la bibliographie où l’autocitation semble être la règle !
En résumé : de bonnes voies à développer en France comme le repérage ECG et augmenter l’utilisation des PICC dans les USI, mais pour tous les patients COVID ou pas, et en le faisant avec diplomatie sans chercher à « imposer » des recommandations !
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Eric Desruennes, ancien président du GIFAV
Clinique d’anesthésie pédiatrique, Hôpital Jeanne de Flandre, CHU Lille
Unité accès vasculaire, Centre Oscar Lambret, Lille