FIXATION DES CATHETERS PAR SECURACATH®
Dr Hervé Rosay,
Anesthésiste au Centre de lutte contre le cancer de Léon Bérard, Lyon.
Un cathéter longue durée est parfois nécessaire pour des traitements de support tels la nutrition parentérale, l’antibiothérapie, la chimiothérapie, les transfusions itératives, les antalgiques.
Le système d’attache du cathéter est essentiel pour l’efficacité du traitement, la qualité de vie du patient. Ce dispositif doit permettre une fixation efficace et faciliter le pansement par les équipes infirmières hospitalières et libérales dans les meilleures conditions.
Un nouveau dispositif par ancrage sous cutané révolutionne cette fixation et garantie l’ensemble des objectifs. Les indications sont nombreuses. La méthode de pose est aisée. L’entretien et le retrait sont spécifiques et nécessitent des formations répétées.
HÉMOPHILIE ET ABORDS VEINEUX CENTRAL
Dr Jacques Merckx
Anesthésiste pédiatrique émérite de l’hôpital Necker Enfants Malades, Assistance Publique – Hôpitaux de Paris
Consultant médical auprès du laboratoire Matière et Systèmes Complexes UMR 7057 de l’université Paris Diderot
Introduction
L’expérience est maintenant ancienne mais les principes restent valables pour tout traitement intravasculaire chronique chez l’enfant hémophile.
Pour ces patients, les dispositifs d’accès veineux centraux sont fréquemment utilisés pour l’administration de traitement substitutif : les facteurs anti hémophiliques (FAH). L’apparition d’un inhibiteur (5 à 30% des enfants) contre le facteur VIII ou IX, impose l’administration à haute dose, fréquente, journalière ou pluri hebdomadaire de FAH pendant plusieurs mois ou années. De nouvelles thérapeutiques permettent, actuellement, d’espérer réduire voire supprimer la fréquence de ces injections ; mais le traitement de l’hémophilie reste encore l’administration intraveineuse de FAH.
Pallier chez le jeune enfant, les difficultés techniques d’abord du réseau veineux, protéger ce réseau veineux superficiel pour l’avenir, sont deux impératifs toujours valables aujourd’hui.
Les patients
Une étude prospective a été menée d’octobre 1995 à avril 2010 (A. Harroche. Hemophilia : DOI: 10.1111/hae.12638) par le Centre de Traitement de l’Hémophilie (CTH) à l’hôpital Necker (Paris). Quand le réseau veineux superficiel de l’enfant ne permettait pas d’envisager un traitement intraveineux itératif et de longue durée, le cathéter à chambre implantable (CCI) envisagé est présenté, aux parents ou responsables parentaux, et aux enfants, ensemble et/ou séparément.
320 hémophiles sévères de moins de 11 ans ont été suivis, par le CTH, parmi lesquels 50 enfants, (49 hémophiles A dont 1 fille et 1 hémophile B), sévères, porteurs d‘inhibiteurs ont bénéficié de la pose d’un CCI. L’âge médian à la pose du premier CCI est 31 mois (3-128 mois) : moins de 2 ans, 36, entre 3 et 6 ans, 9 et 5 de plus de six ans. Le poids médian à la pose est 14 kg (6-50).
Choix du matériel
En raison de la petite taille des CCI et des cathéters (Kt), 65 Babyport ®(B.Braün) ont été insérés et 3 ST 205 ® (B.Braün) chez des enfants de poids supérieur à 55kg et/ou de paroi thoracique épaisse.
Certains ne l’ont accepté qu’après un ou plusieurs cathéters extériorisés simples (4) ou de Hickmann–Broviac (6). D’autres l’ont demandé d’emblée ou après « discussion » avec d’autres parents ou enfants hémophiles en consultation multidisciplinaire.
La pose
Ne disposant pas alors d’échographe, la veine jugulaire interne est ponctionnée à la base du triangle de Sédillot, selon la méthode de Seldinger, sous anesthésie générale, en salle d’opération. La chambre est placée en avant du 4-6ème espace intercostal droit ou gauche, 4-5 cm en-dedans d’une incision verticale de 2 cm sur la ligne axillaire antérieure, un seul CCI a été placé, à la demande de l’intéressée, sous axillaire droit. L’extrémité du cathéter est placée à la jonction atrio-cave contrôlé sous scopie
L’insertion est entourée de FAH spécifique pendant 5 jours, d’antibiothérapie large pendant 24 h.
Ces traitements sont administrés par CCI, seule période où l’aiguille de Huber, implantée en fin d’intervention, sera laissée en place.
Utilisation
Pour 30 patients (60%), l’utilisation d’un CCI est supérieure à 3 ans, dont 19 égale ou supérieure à 6 ans La durée cumulée d’utilisation des CCI est 86.461 jours-Kt : médiane 1269 (116-2794).
Le nombre cumulé de ponctions est approximativement 41.192 : médiane 524 (110-3219).
La pose d’un CCI exige, au préalable, une adhésion de tous les intervenants soignants (médecin, médecin poseur, infirmier, parents) aux règles, strictes et draconiennes, d’utilisation du matériel. L’apprentissage initial des soignants et de l’enfant doit être compris, accepté et renouvelé. Soignants et parents ayant bénéficiés d’une formation sont les seuls habilités à utiliser le CCI.
L’aiguille de Huber est installée, avec ou sans pommade analgésique, le FAH injecté, le rinçage intermittent réalisé, puis l’aiguille est retirée. Même chez les enfants traités tous les jours, le processus est identique. Aucune aiguille de Huber n’est laissée en place.
À domicile l’injection a été réalisée, en stricte asepsie, par une infirmière (28) par un parent (10), par les deux (29), selon la disponibilité et/ou le déplacement familial.
Le suivi
Il est réalisé par consultation de l’enfant (médecins, infirmière dédiée, parents, rapport de l’infirmière opérante en ville) d’abord bimestrielle, puis élargie : examen clinique, injection de FAH, rinçage intermittent (10-20 mL de NaCl 0,9%), injection de thrombolytique de volume identique au volume interne du CCI, aspiré lors de l’abord ultérieur, à chaque consultation multidisciplinaire.
Radiographie thoracique et échographie vasculaire et cardiaque sont pratiquées tous les 6 mois pour vérifier l’absence d’anomalie : déplacement du Kt ou thrombose veineuse.
Complications
Il a été relevé 25 complications en 15 ans.
9 hématomes post-opératoires (2) ou à distance (7), 6 obstructions dont 5 reperméabilisés par urokinase, une seule a provoqué une ablation-repose, 1 escarre en présence d’une peau très fine, 2 fuites sur septum multi-ponctionné (550 et 628 ponctions), 1 hémothorax, 1 déconnexion du Kt et 5 infections (2 par Staphylococcus aureus et 1 Staphylococcus epidermidis) dont un seul a été remplacé. Le taux d’infection est 0,0578 infection / jours-kT, taux très inférieur à toute publication. A noter également quelques problèmes d'adhérence du Kt (4-5) lors du retrait du CCI, résolus par cardio interventionnelle.
Ablation
Dès que le réseau veineux superficiel est jugé « suffisant » pour être utilisé, après une période d’essai de quelques mois, avec l’accord des parents et de l’enfant, le CCI est retiré.
L’ablation ou le remplacement sont évoqués lorsque le nombre de ponctions avoisine les 500 ponctions. En pratique, ceci a été réalisé, le plus souvent, entre 500 et 700 ponctions.
Au cours de la surveillance et dans les suites évolutives (6 à 9 mois post ablation), il n’a été dépisté ni cliniquement, ni radiologiquement (échodoppler, angio IRM ou angio scanner) aucune thrombose des troncs veineux du réseau cave supérieur.
Le ressenti
Dans la littérature, nous n’avons pas trouvé la notion de tolérance de CCI par le patient. Pour les parents, pour les soignants, ce matériel favorise la vie et l’autonomie familiale.
« La piqûre est facile, c’est une nouvelle vie pour nous. » « Ce mode de traitement représente la liberté pour l’enfant et la famille »
Pour les soignants spécialisés, le CCI est « irremplaçable ». Piquer un CCI est simple, rapide (même si la préparation est longue) et peu angoissant même si le risque est important.
Pour l’enfant, par contre il en est souvent autrement. En consultation, le CCI paraît et est dit bien supporté. Mais dispositif médical implanté que l’enfant ne peut enlever, est un rappel permanent de la maladie, de la « différence » ; elle suscite des questions et des moqueries dès que l’enfant dénude son torse en public. L’affirmation « non, il (CCI) ne me dérange pas, ce qui me dérange, c’est d’être hémophile » n’est pas habituelle même chez les grands enfants. Le CCI est toujours une gêne chez l’enfant ou l’adolescent.
Conclusion
Au total, deux points importants :
- un faible taux d’infection chez des enfants (hémophiles sévères avec anti coagulant circulant) pourtant réputés comme sensibles, une incidence décroissante des infections, malgré le nombre croissant de patients et de ponctions du CCI.
- une faible incidence d’obstruction
Les guidelines signalent infection et obstruction comme les complications majeures des CCI .
Notre étude montre que l’on peut les réduire grâce à une stricte observance de protocole draconien.
Il paraît clair que cette évolution est due :
- à l’éducation des intervenants, soignant et parents, « surveillant » les manipulations aseptiques du CCI.
- au soin protocolé comprenant une injection de FAH suivie d’un rinçage intermittent et d’un verrou thrombolytique systématique régulier (2 mois).
- à la collaboration parent-soignant, chacun participant au soin (opérateur, aide) parfois alternativement.
- à la consultation multidisciplinaire qui permet un suivi précis des traitements et des intervenants.
L'HÉMOPHILIE ET SA PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE
Dr Annie HARROCHE
Centre de Ressources et de Compétences - Maladies Hémorragiques Constitutionnelles
Hôpital Necker Enfants Malades
Qu’est-ce que l’hémophilie ?
L’hémophilie congénitale est une maladie constitutionnelle de l’hémostase, secondaire à un déficit en facteur VIII ou IX de la coagulation. On parle d’hémophilie A en cas de déficit en facteur VIII, et d’hémophilie B en cas de déficit en facteur IX.
Il existe 3 types de déficit :
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Les déficits sévères, liés à des taux de facteur VIII ou IX <1%, responsables d’une symptomatologie hémorragique sévère, faite d’hémarthroses et d’hématomes musculaires, parfois de survenue spontanée, sans notion de traumatisme. Tout autre type d’hémorragie est possible : ecchymoses marquées, hémorragie cérébrale, hémopéritoine, hématurie, etc … Ces formes sévères sont souvent diagnostiquées dans les premiers mois de vie et autour de l’âge de la marche.
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Les déficits modérés, liés à des taux de facteurs VIII ou IX allant de 1 à 5 %, responsable d’une symptomatologie hémorragique le plus souvent post-traumatique, mais survenant suite à des traumatismes parfois peu importants.
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Les déficits mineurs, liés à des taux de facteurs VIII ou IX allant de 6 à 40%, responsables d’une symptomatologie hémorragique post-traumatique ou post-chirurgicale.
Il s’agit d’une pathologie génétique, récessive liée à l’X : les garçons sont atteints, et les filles sont conductrices, mais peuvent parfois avoir des taux de facteur VIII ou IX abaissés, leur conférant dans ce cas un risque hémorragique également.
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Le traitement substitutif
La prise en charge thérapeutique consiste en un traitement substitutif. Il s’agit de médicaments apportant donc du facteur VIII ou du facteur IX, selon le déficit. Ces traitements sont actuellement administrables uniquement par voie intraveineuse.
Les modalités thérapeutiques sont au début de la prise en charge « à la demande », c’est-à-dire que les patients ne reçoivent ce traitement substitutif qu’en cas d’accident hémorragique ou en cas de chirurgie.
Dans les formes sévères, et pour certaines formes modérées ou mineures dont le phénotype hémorragique est marqué, un traitement prophylactique est mis en route. Il consiste à perfuser le traitement une, deux voire trois fois par semaine, en prévention des récidives d’hémarthroses ou de tout autre épisode hémorragique sévère spontané.
Lorsqu’il existe des difficultés de voie d’abord veineuse, essentiellement chez le jeune enfant, le recours à la pose d’un cathéter central peut être envisagé.
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L’inhibiteur
Une des principales complications secondaire au traitement substitutif est l’apparition d’un inhibiteur : il s’agit d’un allo-anticorps dirigé spécifiquement contre le facteur VIII ou le facteur IX perfusé, reconnu par l’immunité innée du patient comme un antigène étranger. Ceci bloque alors l’efficacité hémostatique du facteur perfusé.
Cette complication survient chez environ un tiers des patients hémophiles A sévères, chez environ 10% des hémophiles A modérés ou mineurs, et 5 % des hémophiles B sévères.
Dans ce cas, le traitement des épisodes hémorragiques nécessite de recourir à la perfusion d’agents by-passants tels le facteur VII activé recombinant ou un concentré de facteurs du complexe prothrombique activé.
Par ailleurs, pour tenter d’éradiquer l’inhibiteur, une induction de tolérance immune est mise en route, traitement qui consiste à apporter le facteur anti-hémophilique à forte posologie, de manière pluri-hebdomadaire voire quotidienne et durant plusieurs mois voire années. La voie d’abord veineuse devient alors essentielle, et le recours au cathéter central est alors nécessaire.
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Les nouveaux traitements
De nombreuses avancées thérapeutiques se développent dans le domaine de l’hémophilie, permettant d’améliorer la qualité de vie des patients par la réduction du nombre de perfusions ou la modification de la voie d’administration des traitements.
Dans l’hémophilie B par exemple, les médicaments à durée de vie prolongée permettent actuellement de passer d’une prophylaxie intraveineuse pluri-hebdomadaire à une prophylaxie uni-hebdomadaire voire tous les 14 ou 21 jours.
De nouvelles approches thérapeutiques par voie sous-cutanée sont disponibles ou en cours de développement :
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L’emicizumab, anticorps monoclonal recombinant, mime l’action du facteur VIII, et confère aux patients hémophiles A sévères, avec ou sans inhibiteur, une prophylaxie satisfaisante. L’administration est sous-cutanée, hebdomadaire, tous les 14 jours ou mensuelle. Ce médicament est actuellement disponible avec une AMM dans ces indications.
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Sont en cours d’essai clinique des molécules telles qu’un ARN interférant de l’antithrombine, induisant un déficit acquis en antithrombine, ou des anticorps anti-TFPI (le TFPI – tissue factor pathway inhibitor- est l’inhibiteur naturel de la voie du facteur tissulaire). Ces molécules visent à rééquilibrer la balance hémostatique, en diminuant le risque hémorragique. Leur administration est également sous-cutanée.
Conclusion
Le traitement de l’hémophilie consiste essentiellement en des médicaments administrables par voie intraveineuse, imposant parfois le recours à une voie d’abord de type cathéter central. Mais le développement de nouvelles thérapeutiques à demi-vie prolongée ou d’administration sous-cutanée fera évoluer la prise en charge de ces patients à l’avenir.
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Pour en savoir +
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A cell-based model of hemostasis. Hoffman M, Monroe DM 3rd. Thromb Haemost. 2001;85(6):958‐965.
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French guidelines. Long-term prophylaxis for severe haemophilia A and B children to prevent haemophiliac arthropathy. Meunier S, Trossaërt M, Berger C, et al. Arch Pediatr. 2009;16(12):1571‐1578. doi:10.1016/j.arcped.2009.08.010
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US Guidelines for immune tolerance induction in patients with haemophilia a and inhibitors. Valentino LA, Kempton CL, Kruse-Jarres R, et al. Haemophilia. 2015;21(5):559‐567. doi:10.1111/hae.12730
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Real-world use of emicizumab in patients with haemophilia A: Bleeding outcomes and surgical procedures. McCary I, Guelcher C, Kuhn J, et al. Haemophilia. 2020;10.1111/hae.14005. doi:10.1111/hae.14005
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Novel approaches to hemophilia therapy: successes and challenges. Arruda VR, Doshi BS, Samelson-Jones BJ. [published correction appears in Blood. 2018 Jun 28;131(26):2995]. Blood. 2017;130(21):2251‐2256. doi:10.1182/blood-2017-08-742312
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Long-term follow-up of children with haemophilia - low incidence of infections with central venous access devices Harroche A, Merckx J, Salvi N, et al.. Haemophilia. 2015;21(4):465‐468. doi:10.1111/hae.12638
Figure 1: Cascade de la coagulation: schéma d'activation des facteurs et modèle physiologique à la surface des plaquettes (Hoffman, 2001)
Figure 2: Transmission génétique de l'hémophilie (https://mhemo.fr/les-pathologies/lhemophilie/)